Justice militaire
Pour assurer le service des juridictions militaires, avait été institué par la loi n°56-1115 du 9 novembre 1956, un corps de magistrats militaires affectés exclusivement aux services de la justice militaire et aux parquets des juridictions militaires, constituant un corps autonome à hiérarchie propre, et comportant les classes suivantes :
• magistrat général
• magistrat militaire de 1re classe
• magistrat militaire de 2e classe
• magistrat militaire de 3e classe
• magistrat militaire adjoint
Ce corps a ultérieurement été mis en extinction, par l'article 7 de la loi n°66-1037 du 29 décembre 1966. En application de l'article 1er de cette dernière loi, "les fonctions de magistrats du parquet et de l'instruction auprès des juridictions des forces armées sont exercées [...] par des magistrats du corps judiciaire placés, sur leur demande, en position de détachement auprès du ministre chargé de la défense".
Après la dissolution de la dernière juridiction militaire au 1er janvier 2012 (loi du 13 décembre 2011) : le tribunal aux armées qui se trouvait à Paris, il n'existe plus que des magistrats civils du corps judiciaire placés en position de détachement auprès du ministère de la défense. Ceux-ci n’exercent plus aucune fonction à caractère judiciaire.
Justice militaire
La justice militaire est une juridiction d'exception qui a pour objet de juger les faits et actes relevant de l'armée.
La justice militaire distingue le « temps de guerre » et le « temps de paix ». Dans ce dernier cas, elle juge souvent les actes commis hors du territoire national par les militaires ou contre ceux-ci.
Dans les pays qui relèvent des droits de tradition civiliste, c'est un code de justice militaire qui encadre le plus souvent les attributions.
Tribunal militaire
Les tribunaux militaires sont des juridictions d'exception dont les jugements interviennent en dehors du système judiciaire ordinaire. Ils se distinguent des cours martiales qui relèvent de la justice militaire.
Le Haut Tribunal militaire, créé pendant la guerre d'Algérie par décision du président de la République en date du 27 avril 1961, en est un exemple, ainsi que les commissions militaires créées par George W. Bush le 13 novembre 2001 pour juger les « personnes soupçonnées de participation à des actions terroristes ou de soutien à de telles actions ».
Tribunal aux armées de Paris
Dernière juridiction spécifiquement militaire, dissoute le premier janvier 2012, le tribunal aux armées de Paris (TAAP), créé par une loi du 10 novembre 1999, avait succédé au tribunal des forces armées (TFA) de Paris et au TFA d'Allemagne (dissous à compter du 1er juillet 2000).
Ce tribunal siégeait à Paris, conformément à l'article R111-1 du code de justice militaire français. Il était situé au 34 rue Chaligny (12e arrondissement).
Sommaire
• 1 Champ de compétence
• 2 Composition
• 3 Jugement devant le TAAP
• 4 Suppression
• 5 Dossiers du TAAP
Champ de compétence
Le TAAP jugeait, en temps de paix, les infractions commises hors du territoire par les militaires français ou dont les militaires français étaient victimes hors du territoire national. Son domaine de compétence et ses règles de fonctionnement étaient régis par le code de justice militaire (CJM), notamment par les articles L.121-1 et suivants.
Cette juridiction était compétente aussi bien pour les infractions purement militaires punies par le code de justice militaire que pour les infractions de droit commun, notamment celles prévues et sanctionnées par le code pénal, qui étaient commises hors de France par ou au préjudice de militaires français.
Sa compétence s'étendait également à toutes les personnes qui travaillaient hors de France au profit de l'armée et toutes les personnes à la charge de militaires déployés à l'étranger, en particulier leurs familles.
Composition
Le TAAP à proprement parler était composé de 2 magistrats à titre permanent, s'agissant de magistrats de l'ordre judiciaire, détachés au sein du ministère de la défense pour une durée de trois ans renouvelable: un juge d'instruction et un procureur.
Le juge d'instruction relevait exclusivement de sa hiérarchie judiciaire habituelle (premier président et chambre de l'instruction pour le juge d'instruction du tribunal) et n'avait donc pas de compte à rendre, en principe, à la hiérarchie militaire. Son statut de détaché le privait cependant des garanties statutaires de la magistrature.
Anachronisme notable par rapport à l'organisation de droit commun des juridictions et en regard des principes du droit, le procureur de la République (portant le grade fonctionnel de colonel), directement détaché auprès du Ministre de la Défense par le ministère de la justice, était seul chef de la juridiction (par dérogation aux autres tribunaux qui sont organisées de manière bicéphale avec un procureur de la République et un président qui la dirigent conjointement). Il assurait l'organisation du tribunal, son fonctionnement, gérait les ressources humaines et les finances de la juridiction. L'affectation à ce poste stratégique était soigneusement contrôlée par l'exécutif et le dernier procureur militaire nommé avant la suppression de la juridiction fut d'ailleurs une proche collaboratrice de la Garde des Sceaux Rachida Dati.
Les enquêtes étaient assurées hors du territoire par des officiers de police judiciaire des forces armées de la gendarmerie prévôtale.
Les magistrats du TAAP étaient assistés par des greffiers militaires : un officier greffier, chef de greffe, un officier adjoint et des sous-officiers greffiers.
Jugement devant le TAAP
Pour le jugement des affaires traitées par le TAAP, la juridiction comportait (article L.111-3 CJM) :
• Une chambre de police pour juger les contraventions.
• Une chambre correctionnelle pour juger les délits.
• Une chambre criminelle, équivalent de la cour d'assises et composée de la même manière, sauf s'il existait un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale. Dans ce dernier cas la chambre criminelle du TAAP n'était composée que de magistrats professionnels comme pour les cours d'assises spéciales prévues en matière de terrorisme (un président et six magistrats assesseurs au premier jugement / huit en appel).
Ces chambres étaient présidées par un conseiller de la Cour d'appel de Paris, assisté de magistrats des tribunaux de Paris et du ressort de la Cour d'appel de Paris.
Les procès étaient publics sauf à ce qu'il soit fait application des règles habituelles de huis clos, prévues notamment pour préserver l'ordre ou les victimes d'agressions sexuelles.
Une chambre de l'instruction et des chambres des appels correctionnels de la Cour d'appel de Paris étaient chargées d'examiner les recours formés contre les décisions du juge d'instruction du TAAP ou de ses formations de jugement. Leurs décisions étaient elles-mêmes susceptibles d'un pourvoi en cassation.
Sauf disposition particulière du CJM, les règles ordinaires de la procédure pénale s'appliquaient devant le TAAP.
Suppression
Depuis longtemps anachronique au regard des principes du droit, critiquée pour ses liens trop étroits avec l'institution militaire, la dernière juridiction militaire était vouée à disparaitre. La loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux a transféré ses compétences à une chambre spécialisée du tribunal de grande instance de Paris à compter du 1er janvier 2012.
Dossiers du TAAP
Le TAAP traitait de nombreux dossiers sensibles en raison des enjeux militaires, politiques et diplomatiques inhérents à son champ de compétence.
Étaient entre autres suivis par cette juridiction à la date de sa suppression les dossiers suivants :
- La plainte des familles de soldats tués pendant l'embuscade de la vallée d'Uzbin en août 2008.
- Les plaintes visant l'action de l'armée française lors du génocide rwandais.
- La mort de neuf militaires dans le bombardement du camp français de Bouaké en Côte d'Ivoire en novembre 2004.
- Le meurtre de Firmin Mahé, ressortissant ivoirien tué par des militaires français.
À l'exception du dossier MAHE, aucune de ces affaires, parfois forts anciennes, ne semblait avoir connu d'avancée notable à la date de dissolution de cette juridiction d'exception. Ainsi, dans le dossier de l'embuscade d'Uzbin, la plainte initiale déposée auprès de la procureure militaire Alexandra ONFRAY était classée en février 2010. Il faudra attendre la disparition du Tribunal aux armées pour que la cour d'appel de Paris ordonne l'ouverture d'une information judiciaire le 30 janvier 2012.
Cour martiale
Une cour martiale est une cour qui juge de la guerre. Son nom martiale provient de Mars, le dieu de la guerre dans la mythologie romaine. Une autre théorie sur la provenance de son nom serait à l'effet que les cours militaires, en Angleterre, étaient, après la décapitation du dernier Lord Grand Connétable en 1521, administrées par le grand maréchal. La cour du grand maréchal, ou en anglais « Marshal's Court », était alors le nom de ce système de procès. Si le nom de la cour peut varier selon les pays, il s'agit avant tout d'une cour militaire, qui ne juge en général que des militaires et qui n'est composée que de militaires. Il arrive qu'une cour martiale juge des civils dans certains pays et dans certains cas, principalement en temps de guerre mais pas toujours, pour des actes touchant la défense nationale.
Son but est en général de juger l'action de militaires nationaux lors des conflits (dans le respect des normes de guerre édictées par des textes internationaux tels que la Convention de Genève). Certaines juridictions militaires ont des compétences plus étendues, par exemple juger des militaires étrangers pour des actes violant le droit de la guerre, même lors de conflit extra-nationaux (doctrine dite de la compétence universelle).
Il convient de faire la différence entre « cour martiale » et « conseil de guerre », ici le terme de « cour martiale » ne devant être employé que pour désigner des juridictions d'exception.
Les cours martiales virent le jour en France sous la Révolution française de 1789 après le renversement de la monarchie mais furent très vite remplacées par une instance juridique plus officielle : le Tribunal révolutionnaire.
Remises au goût du jour pendant la Guerre de 1870 après la défaite de Sedan, par un décret du 2 octobre 1870, elles permirent un jugement rapide des soldats inculpés, en comparution quasi immédiate, la sentence une fois rendue devenant exécutable sans possibilité de recours.
Ces cours martiales furent de nouveau organisées pendant la Première Guerre mondiale, instituées par deux décrets du 2 août et du 6 septembre 1914, avant d'être supprimées en 1917. Elles fonctionnaient alors sous l'appellation de « Conseils de guerre spéciaux », venant s'ajouter aux conseils de guerre ordinaires. En quatre ans, 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 600 exécutés, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés. Très peu, environ une quarantaine sur les 600 fusillés pour l'exemple, dont Félix Baudy et ses compagnons de malheur ont été rétablis dans leur honneur dans les années 1920 et 1930. En 1919, la justice militaire condamne une centaine de marins mutinés dans l'escadre de la mer Noire, mais il n'y a aucune exécution et le dernier condamné est libéré en 1923 (André Marty).
L’interdiction du rétablissement des cours martiales a été définitivement inscrite en France dans le code de justice militaire en 1928.
Le projet de loi prévoyant la disparition du tribunal aux armées adopté par le Sénat
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, a donné un avis favorable à la disparition du Tribunal aux armées. Les articles concernés du projet de loi prévoient d’achever son intégration dans la justice de droit commun.
La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat, a examiné le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, visant à simplifier l’organisation judiciaire et la procédure, le 29 mars 2011, celui comportant trois articles (23, 24 et 26) abordant la justice militaire.
Cette réforme conduirait notamment à la disparition de la dernière juridiction militaire que constitue le Tribunal aux armées de Paris et à achever l’intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun, entamée par la loi du 21 juillet 1982, qui supprime les tribunaux militaires en temps de paix sur le territoire national.
La prise en compte de la spécificité militaire par les juridictions civiles serait toutefois préservée, d’une part, grâce à la spécialisation des juridictions et des magistrats au sein de formations spécialisées des tribunaux de grande instance. D’autre part, grâce au maintien de règles procédurales particulières applicables aux militaires, telles que l’avis préalable du ministre avant l’engagement de poursuites à leur encontre.
La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées a donné un avis favorable à l’adoption de ces trois articles, mais a souhaité y apporter quelques précisions, à travers l’adoption de cinq amendements, qui concernent principalement :
• Le renforcement de la spécificité militaire, en prévoyant un avis préalable du ministre de la défense lorsqu’un militaire est susceptible d’être poursuivi à la suite d’une plainte contre personne non dénommée (« plainte contre x »), d’une plainte avec constitution de partie civile ou d’un réquisitoire supplétif pris à la demande su magistrat instructeur ;
• La clarification de la compétence juridictionnelle concernant les infractions commises à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires ;
• La simplification et l’harmonisation de la définition de la désertion : qu’elle intervienne sur le territoire national ou à l’étranger.
La commission a également donné un avis favorable à un amendement du Gouvernement tendant à préciser qu'en cas d’actes de terrorisme commis par ou à l’encontre de militaires en dehors du territoire, c'est le pôle anti-terroriste de Paris qui sera compétent et non la formation spécialisée du Tribunal de grande instance de Paris.
Enfin, elle a également souhaité lancer une réflexion sur le renforcement de la spécialisation des juridictions et des magistrats, par le regroupement des formations spécialisées en deux ou trois pôles « affaires militaires », sur le renforcement de la formation des magistrats en matière militaire et du statut du corps des greffiers militaires, ainsi que sur le transfert des moyens humains et financiers du ministère de la Défense au ministère de la Justice.
Comme pour les autres volets de ce dossier, si vous avez des compléments ou des rectifications, n'hésitez pas.
Amitiés
Gérard